La chicha, nocive et addictive

Lundi, 10 Mars 2014

Une récente étude américaine a de nouveau pointé du doigt les dangers de la chicha. Non seulement elle est aussi dangereuse que la cigarette, voire plus, mais ce qui ressort, c’est la forte addiction qu’elle peut aussi provoquer. Par ailleurs, les risques de « tabagisme passif » existent tout autant en présence de fumeurs de chicha.

Commentaire de la Fondation contre le Cancer

Chicha, pipe à eau, narguilé, e-chicha…

La chicha ou narguilé est une pipe à eau, tous ces termes sont équivalents, même si chez les jeunes, c’est le terme « chicha » qui a le plus la cote. Son principe est donc celui du narguilé : elle contient dans la « douille » du « tabamel », à savoir un mélange d’environ 30% de tabac et de 70% de mélasse, additionné de miel et de pulpe de fruits.

Le tout est chauffé par du charbon, la fumée passe dans de l’eau avant d’être aspirée par le fumeur par un bec au bout d’un tuyau. (voir les idées fausses concernant le tabac).

Il existe également les versions électroniques de la chicha, sous forme de sorte de « stylos » colorés, très attractifs pour les jeunes… On les appelle aussi e-chicha ou chicha-stylos. Les émanations proviennent d’une vapeur d’eau aromatisée (sur le même principe que la e-cigarette) qui ne contient ni tabac, ni goudron ; elles peuvent contenir ou non de la nicotine.

De ce fait, comme elles ne relèvent pas des produits issus du tabac et sont classées dans la même catégorie que les e-cigarettes sans nicotine, elles sont donc en vente libre, et peuvent être vendues à des jeunes de moins de 16 ans….

Une image de fausse sécurité

La chicha classique, même si elle contient du tabac et produit des goudrons, reste considérée comme un produit peu nocif, voire inoffensif. A fortiori sa version sans tabac et plus encore, en version « électronique ». A tort !

Une séance de chicha, qui dure entre 20 et 60 minutes, équivaut à fumer 2 paquets de cigarettes ! Des chercheurs ont établi que la quantité  de nicotine absorbée était 1.7 fois plus élevée lors d’une séance de chicha que lorsque l’on fumait une cigarette, la quantité de monoxyde de carbone (CO) était 6.5 fois supérieure et celle de goudrons 46.4 fois supérieure ! (2,3) Et  de nombreuses substances toxiques sont également émises par la chicha.

A court terme, la chicha entraine  des risques cardiovasculaires comparables à ceux provoqués par la cigarette. Le risque de dépendance à la nicotine est également important. Et comme le partage de la pipe à eau est un rituel, il y a également des risques de transmission d’herpès, d’hépatite ou de tuberculose… A plus long terme, le risque de de développer divers types de cancers (poumon, vessie, bouche, etc.) commence à inquiéter sérieusement les  scientifiques  … (5)

Les conséquences du shiazo semblent également néfastes, du fait du « charbon de bois qui induit, particulièrement en milieu humide, une toxicité qui lui est propre : monoxyde de carbone (CO) et les hydrocarbures aromatiques polycycliques (HAP) pour ne nommer que les principaux agents dégagés. » (4) Les risques sur les cellules des poumons semblent bien comparables à ceux générés par les chichas avec tabac… (6) hors sujet

Et avec le chicha-stylo, le consommateur absorbe également du propylène glycol, de la glycérine et de la triacétine, des substances également présentes dans les cigarettes normales. Selon le VIGEZ, « le premier cause de l'irritation des voies respiratoires et des yeux tant chez les fumeurs que les non-fumeurs. Lors de la combustion, il peut également se former des substances cancérigènes. On ne sait pas encore si ces effets se manifestent aussi lors de l'exposition à la fumée libérée pendant la consommation d'un stylo chicha. Une inconnue subsiste : quels effets ont toutes ces substances sur les poumons des enfants ? » (7)

En conclusion

Facilement accessibles,  la chicha ou la chicha-stylo ont chez les jeunes en particulier, et dans le grand public, une image positive. C’est méconnaître leurs risques pour la santé, qui peuvent pourtant être équivalents à ceux de la cigarette.

Par ailleurs, selon certaines études, la chicha est une porte d’entrée vers les produits du tabac pour une bonne partie des jeunes (environ 1 sur 5 aux USA), voire vers des substances telles que la marijuana. (1) Une relation qu’il serait utile de vérifier chez nous.

Il ne faudrait pas considérer ces phénomènes comme marginaux, car les chichas et ses dérivés commencent à être très populaires chez les jeunes. Une politique d’information est nécessaire, voire urgente, pour inverser la tendance, en plus d’un encadrement plus strict de ces produits.

Références :

  1. Erin L. Sutfin et al, Prevalence and Correlates of Waterpipe Tobacco Smoking by College Students in North Carolina. Drug Alcohol Depend. May 1, 2011; 115(1-2): 131-136. Published online Feb 25, 2011. doi: 10.1016/j.drugalcdep.2011.01.018
  2. Katurji MH. A portable closed-loop control iso-kinetic particle sampling system for narghile waterpipe field studies American University of Beirut; 2006.
  3. Djordjevic MV, Stellman SD, Zang E. Doses of nicotine and lung carcinogens delivered to cigarette smokers. J Natl Cancer Inst. 2000;92(2):106–111. doi: 10.1093/jnci/92.2.106.
  4. Publication du Conseil supérieur de la Santé N° 8907 Risques toxicologiques et d’assuétudes liés à la consommation de shisha steam stones.  5. Maziak W. The waterpipe: an emerging global risk for cancer. Cancer Epidemiol. 2013 Feb;37(1):1-4. doi: 10.1016/j.canep.2012.10.013. Epub 2012 Nov 26.
  5. Shihadeh A1, Eissenberg T, Rammah M, Salman R, Jaroudi E, El-Sabban M.
  6. Comparison of Tobacco-Containing and Tobacco-Free Waterpipe Products: Effects on Human Alveolar Cells. Nicotine Tob Res. 2013 Dec 3. [Epub ahead of print]
  7. http://www.vigez.be/rubrieken/themas/tabak?item=2842&thema=7, cité par le Crioc, “Ceci n'est pas une cigarette : la cigarette électronique » : http://www.crioc.be/index.php?mode=document&id_doc=6969&lang=fr
Ruben Blachman-Braun et al. Hookah, is it really harmless? Resp Med, published online 10 February 2014. doi: 10.1016/j.rmed.2014.01.013. http://www.resmedjournal.com/article/S0954-6111(14)00056-0/abstract, cité par MediQuality