Peut-on se protéger du nouveau coronavirus avec de la nicotine ?

Jeudi, 23 Avril 2020

Le SARS-CoV-2 ou SARS-Coronavirus 2 est aussi surnommé « nouveau coronavirus ».  Nouveau et encore très peu connu… Les chercheurs commencent petit à petit à comprendre comment il fonctionne. Mais tirer des conclusions sérieuses nécessite du temps. En attendant, de nombreuses hypothèses sont envisagées et sont parfois massivement diffusées sur Internet et les réseaux sociaux. Comme celle selon laquelle le tabac aurait un effet protecteur contre le COVID-19. Faisons le point sur ce que l’on sait, et ce que l’on ne sait pas (encore) à ce sujet.

Tout d’abord, une nuance importante : ce serait la nicotine qui protégerait peut-être, et non pas la fumée de tabac. Il faut bien faire la différence entre consommation de tabac et nicotine. La nicotine est une substance contenue dans le tabac, mais aussi dans certains liquides pour cigarettes électroniques ou d’autres aides pharmacologiques utilisées lors de l’arrêt du tabac, comme les patches... Afin de vérifier si la nicotine a un potentiel effet protecteur, des chercheurs français viennent de lancer une étude au cours de laquelle des patients COVID-19 et leurs soignants utiliseront des patches de nicotine.

Voici un résumé de ce que l’on sait :

  1. Un potentiel effet protecteur de la nicotine face au COVID-19 n’est pas encore confirmé (voir ci-dessous). S’il existe, il faut encore évaluer les effets secondaires d’une prise de nicotine, qui n’est pas un produit anodin. D’autre substances peuvent peut-être avoir un effet similaire en étant moins nocives pour la santé. Les recherches viennent d’être lancées et il est encore trop tôt pour tirer des conclusions.
  2. Chaque année, le tabac tue de façon prématurée près de 8 millions de personnes dans le monde. Les fumeurs ont beaucoup plus de risque de développer des maladies respiratoires ou cardio-vasculaires. Ne pas fumer reste essentiel pour protéger votre santé.
  3. Selon des études récentes, le tabagisme augmenterait le risque de développer une forme très sévère du COVID-19.
  4. La nicotine est une drogue qui entraîne une dépendance. Il ne faut pas la consommer à la légère. Ne prenez donc pas de nicotine en prévention contre le COVID-19 (même sous forme d’e-cigarette ou de patch, etc.).
  5. Le mieux en matière de prévention reste d’avoir un poids sain, de bouger régulièrement et de conserver une bonne tension. Comment veiller à avoir une bonne tension ? Mangez sainement, faites de l’exercice, limitez l’alcool et ne fumez pas.
  6. Arrêter de fumer améliore immédiatement vos fonctions pulmonaires et cardiovasculaires, ce qui vous rendra plus résistant en cas d’infection par le coronavirus. De plus, en arrêtant de fumer, vous diminuez les contacts entre vos mains et votre visage, important vecteur de transmission.
  7. Aujourd’hui, la meilleure façon de se prémunir contre le coronavirus reste donc d’appliquer scrupuleusement les mesures recommandées (distanciation sociale, hygiène des mains, etc.). Et ce, jusqu’à RÉELLE preuve d’autres méthodes efficaces.
  8. Si vous consommez de la nicotine (quelle que soit sa forme : cigarette, e-cigarette, substituts…), ne vous attendez pas à être mieux protégé que le reste de la population face à l’épidémie de COVID-19 et respectez strictement les mesures barrières.
  9. Les fumeurs doivent, au contraire, se considérer comme des personnes à risque et redoubler de vigilance.

Pour toute question, n’hésitez pas à contacter gratuitement les tabacologues de Tabacstop au 0800 111 00 ou via le formulaire en ligne.

Qu’est-ce qui fait penser que la nicotine aurait un effet protecteur ?

Premièrement, il faut être conscient que les producteurs de tabac financent des chercheurs afin qu’ils s’immiscent dans ce genre de débat. Ils ont un intérêt commercial à semer le doute. Une analyse de l’indépendance de ces informations est donc également nécessaire, afin de s’assurer que ces affirmations sur l’effet protecteur de la nicotine ne soient pas une fausse rumeur lancée par des personnes y trouvant un intérêt. Une hypothèse ne peut être validée avec certitude que si les résultats attendus sont confirmés par une étude, si les méthodes d’investigations sont jugées correctes par d’autres chercheurs, et si ces résultats peuvent être à nouveau obtenus au cours d’études complémentaires. Ainsi va la science. Dans le cas qui nous intéresse, nous n’y sommes pas encore.

La Fondation contre le Cancer, maison-mère de Tabacstop, déplore donc que ce message circule déjà massivement dans la presse et sur les réseaux sociaux. Il serait vraiment dommage et nocif pour la santé publique que des fumeurs, en le lisant, prennent la décision de continuer à fumer durant cette crise sanitaire.

Mais indépendamment de cela, qu’avons-nous déjà constaté ? Deux études (l’une chinoise et l’autre américaine) ont montré un nombre assez bas de fumeurs chez les patients en réanimation suite au COVID-19. Cependant, ces études semblent révéler de grandes imprécisions dans la prise en compte des échantillons observés et ne tiennent pas compte de l’âge moyen des patients, pourtant un facteur de risque de formes sévères de coronavirus. Le faible nombre de patients fumeurs en réanimation pourrait par exemple être lié au fait que la consommation de tabac diminue avec l’âge.*

Face aux résultats interpellants de ces études chinoises et américaines, des chercheurs français sont allés plus loin en analysant aussi le profil tabagique auprès de cas moins graves de COVID-19, en prenant cette fois en compte du sexe et de l’âge. Cette étude française observe également moins de fumeurs quotidiens parmi les patients COVID-19 que ce à quoi on aurait pu s’attendre compte tenu du pourcentage de fumeurs dans la population française. Mais la prudence est de mise ! Il s’agit d’une observation, pas d’un lien de cause à effet.

Une autre étude chez les vapoteurs montre des résultats contradictoires

Deux associations françaises de vapoteurs (consommateurs de cigarette électronique) ont fait circuler en urgence un questionnaire sur Internet début avril. Bien que la récolte de ces données ne corresponde pas tout à fait aux standards scientifiques, l’analyse des réponses de 4000 vapoteurs peut tout de même permettre de dégager une tendance. Or, on ne constate pas ici de réel effet protecteur de la nicotine contre le COVID-19.

Les chercheurs appellent à la prudence

Des études complémentaires sont encore nécessaires pour mieux comprendre les récepteurs ECA2, porte d’entrée du nouveau coronavirus chez l’homme, et la façon dont ces récepteurs sont influencés par la nicotine. Des études cliniques ont déjà été lancées en France. En attendant, les chercheurs déconseillent la consommation de nicotine à usage préventif, car les risques pour la santé restent plus importants que le bénéfice.

Plus d’infos sur le lien entre tabac et coronavirus

Sources :

* https://www.qeios.com/read/article/555